OM : Qui est Rachid Zeroual, l’homme qui fait trembler la direction ?

Rachid Zeroual faisant face aux autorités à l'occasion du match entre l'OM et Ajaccio le 3 Juin 2023. Photo by Johnny Fidelin / Icon Sport.

Ce lundi 18 septembre a eu lieu une réunion houleuse entre les dirigeants de l’Olympique de Marseille et des groupes de supporters suite au résultat nul (0-0) au Vélodrome en Ligue 1 contre le TFC, la veille. Depuis, le club phocéen traverse une véritable crise qui a mené à la mise en retrait de Pablo Longoria, profondément touché par les menaces qu’il aurait reçu. Dans la foulée, l’entraîneur Marcelino, proche de Longoria, a annoncé son départ. Présent à la réunion, Rachid Zeroual, leader des South Winners, est aujourd’hui pointé comme l’un des protagonistes des plus virulents lors de cette rencontre, endossant ainsi une part des troubles que connaît le club provençal en ce moment. S’il nie toute menace, Zeroual reconnait avoir « soulevé certains problèmes » que des parents lui auraient rapportés sur le centre de formation marseillais et avoir évoqué la démission de plusieurs membres du club. L’occasion pour nous d’étudier plus en détail ce personnage trouble.

Une ascension rapide au sein des South Winners

Rachid Zeroual est né dans le 14e arrondissement de Marseille. Originaire d’une famille ouvrière émigrée d’Algérie, il rejoint en 1987 les South Winners, un groupe de supporters dans le virage sud du Vélodrome réputé pour ses positions antiracistes. Le jeune homme y fait ses preuves en tant qu’organisateur comme le confiait un supporter au journal l’Equipe en 2017 : « C’était un casse-couilles, très perfectionniste sur les tifos ». Bien aidés par Bernard Tapie au tournant des années 1980-90, les Winners se développent rapidement, obtenant même la vente des places concernant les zones du stade qui leur étaient réservées. Ce privilège unique en France, retiré depuis, renforce leur influence au sein du club phocéen. Avec aujourd’hui près de 5 000 membres, le groupe des supporters du virage sud est clairement le plus influent du club. Supporter « lambda » au départ, Rachid Zeroual s’impose quant à lui peu à peu comme le leader des South Winners et devient un interlocuteur incontournable des présidents qui se succèdent à la tête de l’OM. Il sera même un temps employé par le club comme responsable des relations avec les groupes identités de fans.

Un homme déjà plusieurs fois condamné par la justice

Seulement voilà, Rachid Zeroual n’est pas un enfant de cœur et il est contraint de quitter son emploi en 2003 suite à une condamnation en justice à 4 mois de prison ferme en raison d’un rixe avec d’autres supporters. Quelques années plus tard, en 2012, le Leader des South Winners est de nouveau pris par la patrouille et il écope d’un an de prison et de deux ans d’interdiction de stade pour violence. En 2021, il prend encore neuf mois de prison dont cinq avec sursis, accusé d’être à l’origine du saccage de la Commanderie par des centaines de South Winners.

Interrogé par des internautes sur le niveau d’influence des groupes de supporters à l’OM, le journaliste Mathieu Grégoire a également fait état des menaces verbales qu’il a subies et dont Rachid Zeroual est visiblement coutumier : « Je travaille sur l’OM depuis mai 2009. J’ai déjà été ciblé par Rachid Zeroual, pris des insultes, des expressions que Pablo Longoria considérerait comme des menaces de mort. » Mathieu Grégoire confirme d’ailleurs le niveau de violence inouï de certains ultras : « J’ai pris une banderole du virage sud ou des communiqués cinglants dans les dents et mon numéro a été divulgué sur les réseaux sociaux. »

Dans un enquête révélée par le Monde, on apprend que Rachid Zeroual a également été soupçonné de détournement de fonds par les policiers de l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO). Des doutes qui proviendraient de nombreux virements douteux de plusieurs centaines de milliers d’euros de la part de la société éditrice du magazine de l’Olympique de Marseille vers le compte des South Winners et son compte personnel ainsi que sur les surfacturations d’une exposition photographique et de fresques réglées par l’OM. Néanmoins l’influent Marseillais n’a jusqu’à présent pas été poursuivi pour ces faits.

Un leader qui « coupe la tête » des entraîneurs et des Présidents

Malgré ses multiples condamnations, Rachid Zeroual a compris depuis longtemps qu’il était bien plus qu’un simple supporter. A l’OM, on lui attribue notamment les départs de plusieurs présidents dont Jean-Michel Roussier (1995-1999), Yves Marchand (1999-2000) ou encore Christophe Bouchet (2002-2004), et plus récemment de Jacques-Henri Eyraud (2016-2021), tous partis sous un climat de pression insoutenable. Dans un article publié par le Monde en 2021, le leader des South Winners se vantait d’ailleurs d’avoir « toujours eu l’intelligence de savoir quand il fallait agir pour faire sauter les présidents « . Le journal ajoute par ailleurs que « tout dirigeant de l’OM a eu à gérer « Rachid », à lui concéder des places au stade, des aides financières et des privilèges, à négocier la « paix sociale » sous peine de vivre sous la menace de voir son nom sali dans les tribunes et en ville, puis d’être incité à la démission ».

Le patron des ultras marseillais n’hésite pas non plus à s’en prendre parfois directement aux entraîneurs du club phocéen. Pour preuve, un documentaire du magazine « Pièces à convictions » en 2018 le montre en train de se vanter des menaces qu’il aurait proférées à l’encontre de Didier Deschamps lorsqu’il était entraîneur de l’OM de 2009 à 2012 : « Il était dans un restaurant et j’y suis allé pour aller le remuer un peu. Je lui ai donné un conseil, c’est de partir de l’Olympique de Marseille. Et il est parti. Je l’ai fait trembler de tout son corps. Je lui ai dit que je lui décapsulerais la tête de ses épaules ». Difficile donc de ne pas penser à lui lorsqu’on lit les déclarations récentes de Pablo Longoria, actuel président de l’Olympique de Marseille dans une très longue interview à La Provence ce mercredi 20 Septembre qui évoque « l’enfer » vécu par son ancien coach Igor Tudor la saison dernière en fin de saison, alors que les résultats de son équipe étaient moins probants : « Ce qu’Igor a subi, je ne le souhaite pas à mon pire ennemi. Il s’est retrouvé dans un club où tout le monde était contre lui : à l’intérieur et à l’extérieur. Beaucoup de monde s’organisait pour faire monter la tension contre lui. Des gens ont appelé Jorge Sampaoli pour revenir, d’autres ont demandé de donner le pouvoir aux joueurs. Il y a eu des appels aux groupes de supporters pour faire partir le coach. Quand je suis rentré à Marseille, je sentais que la pré-saison ressemblait à la 37e journée du championnat, où tu joues ta vie. Ça, ce n’est pas normal. Et, encore, je n’ai pas vu venir la situation ».

Enfin, il semblerait que l’influence de Zeroual s’étende bien au delà de l’Olympique de Marseille. Ce dernier aurait en effet tissé sa toile jusque dans la sphère politique. Comme souligné par nos confrères de l’Equipe, « les élus le cajolent » et veulent se servir de lui « comme agent électoral auprès de ses 5 000 Winners ». Un temps proche de Samia Ghali, adjointe au maire de Marseille et figure de la gauche locale, il se rallie pourtant à la candidate des Républicains Martine Vassal lors des élections municipales de 2020. Ce retournement de veste lui permet notamment d’engranger des subventions et d’obtenir des logements et des emplois pour certains membres de son association.

Tous ces éléments mis bout à bout, il est difficile de ne pas comprendre les raisons qui ont pu pousser Pablo Longoria à se mettre en retrait de ses fonctions et Marcelino à démissionner suite aux événements de ce lundi soir.

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