La drôle d’histoire d’Anastasiia Kirpichnikova

Timide devant les médias, l’histoire d’Anastasiia Kirpichnikova n’est pas connue de tous. Lors de ces Jeux Olympiques de Paris 2024, la nageuse d’origine russe a ramené une magnifique médaille d’argent à la délégation française lors du 1500 m nage libre. Revenons en détail sur son parcours hors du commun. PAR MANO BOUVIER. Extrait du WOMEN SPORTS N°34.

Tout commence le 24 juin 2000, à Asbest un petit village russe proche de Iekaterinbourg, date à laquelle la petite d’Anastasiia Kirpichnikova voit le jour. Dès son plus jeune, âge la natation est une réelle passion et aucun doute : la jeune fille est très douée pour ce sport. Sa précocité est assez impressionnante. À tout juste 14 ans, elle participe au Jeux européens de Bakou, en 2015. Malgré sa jeunesse elle brille de mille feux lors de cette compétition et termine avec quatre médailles autour du cou, dont deux en or lors du relais 4×100 m nage libre et du 4×200 m nage libre, une en argent sur 800 m nage libre et une en bronze sur 400 m nage libre. Juste stratosphérique à son jeune âge. À cette époque, elle nage sous la bannière de son pays d’origine, la Russie. Elle continue tranquillement de se faire une place de choix dans la natation dans les années qui suivent. En 2017, par exemple, elle éclabousse de sa classe les Championnats du monde junior se déroulant à Indianapolis (États-Unis), avec trois belles médailles !

Son arrivée en France

Pour vous raconter la suite de son histoire, il va falloir mettre le cap sur le sud de la France. Avant même que le conflit russo-ukrainien resurgisse, d’Anastasiia Kirpichnikova fait le choix de s’entraîner en France pour passer un palier. Dès 2019, la nageuse d’origine russe s’installe en France et plus précisément à Montpellier. Pour l’entraîner, elle fait appel à un coach de renom, Philippe Lucas, notamment connu pour avoir coaché Laure Manaudou. La talentueuse nageuse mise sur son expérience pour at- teindre les sommets de la natation mondiale. Et tout se passe pour le mieux, tout du moins au début Elle est double finaliste aux Jeux de Tokyo en 2021, elle vient de glaner trois médailles d’or aux Championnats d’Europe petit bassin se déroulant la même année à Kazan en Russie (sur 400 m, 800 m, 1 500 m nage libre) et une autre d’argent aux Mondiaux d’Abou Dhabi en 2021. Sa progression est impressionnante. Mais un tournant a lieu le 23 mars 2022. À cette date, la Fédération internationale de natation fait un choix fort, exclure les athlètes russes et biélorusses des compétitions internationales dont fait partie Anastasiia Kirpichnikova.

Des années de frustration

Malgré ce désagrément, la nageuse russe continue de s’entraîner sans relâche, du côté de Martigues. Mais la frustration est grande, elle voit week-end après week-end ses coéquipières d’entraînement aller dans diverses compétitions pendant qu’elle reste chez elle sans pouvoir participer : difficile pour une compétitrice comme elle. Anastasiia Kirpichnikova ne perd pas pour autant sa motivation et prend une décision forte.

La naturalisation comme libération

Après deux ans à ne pas pouvoir s’aligner sur les différentes courses, la nageuse russe prend la décision de demander la naturalisation française. Un choix assez difficile pour elle qui est obligée de renier son origine pour pouvoir concourir. Après un long temps de réflexion, elle décide de se lancer et cela a payé. Le 21 avril 2023, la protégée de Philippe Lucas obtient la nationalité française. Elle va enfin pouvoir retourner dans les bassins et montrer son talent au monde entier.

Objectif Jeux olympiques !

Anastasiia Kirpichnikova devient donc officiellement française un peu plus d’un an avant les JO se tenant en France en juillet 2024. Elle a donc peu de temps pour se mettre au niveau des compétitions internationales qu’elle avait dû stopper des années auparavant. Mais la jeune nageuse a très vite montré qu’elle en avait la capacité. Deux jours après sa naturalisation, Anastasiia Kirpichnikova se lance dans le grand bain à l’Open de Martinique, résultat une très belle troisième place lors du 10 km. Elle enchaîne les bonnes performances. Une est marquante, elle réalise un nouveau record de France du 1 500 m nage libre en petit bassin à Angers en octobre 2023. Avec cette performance, elle efface le temps de la légende Laure Manaudou. Et cela n’est qu’un début, elle brille dans de nombreuses autres compétitions, tous les feux sont au vert pour les JO.

Dernière répétition !

Aux Championnats de France 2024 se déroulant du 16-21 juin 2024 à Chartres. Anastasiia Kirpichnikova brille, elle gagne le 1 500 m et le 800 m, en écrasant la concurrence. En plus de cela, elle obtient les minima sur ces deux distances. Pour peaufiner les derniers détails, l’équipe de France se rend au CREPS de Vichy.

L’inquiétude…

Alors que l’on pensait qu’Anastasiia Kirpichnikova était en forme olympique, Philippe Lucas refroidit tout le monde avec une prise de parole le 17 juillet, à quelques jours des Jeux Olympiques. « Je n’ai jamais parlé de médaille. C’est vous qui avez parlé de médaille. Elle en parle. Elle en parle. Je dis ce que je pense. Le demi-fond, ce n’est pas une fois de temps en temps. Ce n’est pas le hasard. C’est être régulier à chaque entraînement et ce n’est pas le cas. » Des mots assez durs, laissant planer le doute sur sa réussite aux Jeux. De son côté, la spécialiste du 1 500 m était plutôt confiante et a profité d’un point presse le même jour pour évoquer son rapport avec son entraîneur. « Des fois, c’est très bien. Des fois, c’est un peu tendu. Des fois, on ne parle pas. C’est comme ça, c’est comme tout le monde. Moi, j’ai mon caractère. Lui aussi, mais dans l’ensemble cela se passe bien. Cela fait six ans qu’on travaille ensemble et on doit finir ce cycle de la meilleure des manières possibles ». Allez, je vous enlève tout suspense, elle a accompli son objectif.

Juste derrière la légende, l’intouchable Katie Ledecky

Anastasiia Kirpichnikova débarque aux Jeux Olympiques en tête avec un seul objectif en tête, la médaille sur 1 500 m. Cette compétition a lieu dans sa nouvelle maison, la France. Le public est bouillant et la nageuse donne tort à son entraîneur. Après une encourageante 7ème place sur le 800 m, elle s’offre une splendide médaille d’argent sur 1 500 m derrière… l’intouchable Katie Ledecky. Sa prédiction faite avant les JO était bonne, « j’ai appris la Marseillaise mais je n’oublie pas qu’il y a Ledecky dans ma course ». La récompense est magnifique. À tout juste 24 ans, ce destin argenté pourrait bien se transformer en destin doré dans les années qui suivent. Retenez bien son nom, Anastasiia Kirpichnikova.