Sommeil et sport : bien dormir pour performer !

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By Vanessa Maurel

On en entend et on en lit des choses sur le sommeil et le sport, et nous avons des croyances parfois toutes plus contradictoires les unes que les autres. Se coucher tôt pour mieux performer le lendemain, s’épuiser physiquement pour être sûr de trouver le sommeil et donc être en forme le lendemain ? Sommeil et sport : on fait le point pour dormir bien !

PAR LÉA BORIE
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N.14 d’octobre-novembre-décembre 2019.

Activité physique et sommeil : intimement liés

L’activité physique facilite l’endormissement, car elle participe au bon fonctionnement de l’organisme. Les études le démontrent, les personnes qui pratiquent un sport ont un meilleur sommeil que celles qui n’en font pas. Mais un sport mal pratiqué, trop intensément ou trop tardif dans la journée, peut gêner leurs nuits.

Et puis, il y a sommeil et sommeil… Quand on cherche la performance, on va être en quête d’un sommeil de qualité. On avait quelques interrogations en suspens, et l’envie qu’un expert nous parle de grandes thématiques : de la grasse-mat’ à la durée de sommeil idéale, en passant par le décalage horaire.

Le Dr Nicolas Juenet, médecin psychiatre et spécialiste du sommeil, y a répondu avec pédagogie, patience et précision. Le sommeil, une affaire circadienne ? Pour commencer, le docteur Juenet nous rappelle l’importance des rythmes circadiens, la base de toute donnée chronobiologique bonne gestion de son sommeil selon lui. « L’influence du sport sur le sommeil a été largement démontrée dans quantité d’études. Chez les patients souffrant de troubles du sommeil, le sport fait partie des traitements. Pourquoi ? Parce qu’on considère que le sommeil est un état d’activité. Complexe, on peine à le manipuler avec exactitude, mais on va chercher à jouer sur tout ce qui participe à sa régulation. »

Note d’information sur l’expert interviewé pour Women Sports

Dr Nicolas Juenet, médecin psychiatre et spécialiste du sommeil. Il exerce au sein de la Clinique Lyon Lumière à Meyzieu, dans l’unité du sommeil. Il est par ailleurs consultant dans le domaine du sommeil et des rythmes biologiques en entreprises et clubs de sport professionnels.

Petite explication du spécialiste sur le rythme circadien

La mécanique chronobiologique suit une courbe sur 24h avec une dégringolade sur la dernière partie de la journée. Les hormones (dont la sécrétion de cortisol et le taux de mélatonine), la génétique et d’autres paramètres peuvent venir bouger ce processus mais globalement, il répond à une logique quasi implacable :

Le matin démarre un créneau de vigilance accrue

Au démarrage, c’est là qu’il faut donner une foule d’informations à l’organisme pour qu’il se mette en route. D’où les recommandations de petite gymnastique de 15 minutes et d’une douche chaude au réveil.

Le creux de l’horloge biologique siège entre 12h et 14h

« C’est une idée reçue que de croire à l’effet de fatigue dû à la digestion. Des sportifs mangent plus léger, voire sautent le repas de midi, en espérant ne pas souffrir de cette baisse de régime mais c’est une erreur ! Inutile de lutter contre ce phénomène naturel. Généralement, ce n’est pas maintenant qu’on gagnera le plus en performance. On préconise un temps calme de 20 à 30 minutes ».

Le pic de vigilance arrive autour de 16h

« L’idéal pour faire jouer ses performances physiques. Surtout si on a pu faire une sieste plus tôt dans l’après-midi ! »

Puis, l’horloge s’effondre progressivement en fin de journée

Le mieux dans ces moments-là est de pratiquer une activité qui ne réchauffera pas la température corporelle. « La soirée est un moment peu idéal pour de bons résultats sportifs, ou pour les efforts très intenses 2/3h avant le coucher, car on va lutter contre le processus de baisse de vigilance, et ainsi faire fonctionner l’organisme à l’envers». Mais, le spécialiste insiste : « Si on n’a pas le choix dans l’organisation de son planning, mieux vaut du sport un peu tard que pas de sport du tout ! »

Sport, endormissement et température corporelle

« La nuit, la température du corps diminue aux alentours de 36,8°C. Donc si on réchauffe le corps avec une activité intense avant le coucher, celui-ci aura plus de travail pour arriver au processus de sommeil.» D’où la douche froide avant de s’endormir alors! Contrairement à ce qu’on pense, elle ne va pas stimuler l’organisme mais faire en sorte que notre température corporelle baisse. D’ailleurs, le médecin rappelle l’importance d’une chambre maintenue à une température entre 17 et 20°C. « L’hiver, ce doit être la pièce la moins chauffée ».

Sommeil et sport et décalage

Pourtant, si l’organisme suit une courbe précise, avec des variations individuelles, les amplitudes de rythmes peuvent être modifiées. « Le sport est un bon outil pour modifier le rythme circadien. Pratiqué à heure régulière, il aide par exemple à s’acclimater au décalage horaire. » Très utile quand on est à des compétitions et qu’on doit être stimulé malgré une horloge interne restée à 3h du matin !

Une astuce anti jet-lag

A votre retour d’Amérique latine, par exemple, vous aurez tendance à vous réveiller plus tard. Faites du sport au réveil, avec la lumière naturelle en extérieur c’est encore mieux, vous lutterez contre la sécrétion de mélatonine. Préparez-vous un gros petit-déjeuner pour bloquer le processus et informer votre organisme qu’il est l’heure de se mettre en marche. Et l’activité physique pratiquée en fin de journée à l’inverse vous évitera de vous coucher trop tôt pour en revenant d’Asie.

La mécanique du sommeil chez les sportifs

« On sait que les personnes très sportives ont souvent un sommeil profond plus long, une phase importante à laquelle on tient beaucoup. Ceci étant, dans le domaine sportif particulièrement, il peut y avoir cette image que le sommeil est pour les paresseux, avec cette confrontation d’état larvesque dans son lit. Mais le sommeil fait partie de l’entraînement invisible. Il est le pilier de bons résultats sur le terrain sportif. Et puis prendre soin de son sommeil ne veut pas nécessairement dire dormir beaucoup ! »

Les sportifs dormiraient mieux ?

« Disons plutôt que les non sportifs font plutôt partie de ceux qui ont des troubles du sommeil. On parle par exemple d’apnées du sommeil, ou d’excès de sommeil, qui touchent des profils non sportifs à la base, aussi parce qu’ils n’ont pas la possibilité de l’être, du fait de leur condition physique.

Côté sportifs, les athlètes de haut niveau se vantent souvent de beaucoup dormir (9h voire 10h). C’est aussi qu’ils doivent adopter une bonne hygiène de vie, et sont drivés par les coaches à ne pas manger trop gras mais plus des sucres lents le soir. Cependant, méfiance : bonne hygiène de vie ne veut pas dire bonne hygiène du sommeil ! »

Pourquoi pas de grasse-matinée les week-ends ?

« Les grosses différences de rythme le week-end impactent sur les capacités de la journée. On pense avoir récupéré son retard de sommeil mais le circuit de veille sur 24h est perturbé. » Le principe, ce n’est pas spécialement d’avoir un gros temps de sommeil, mais un temps de sommeil suffisant, avec des horaires stricts et réguliers.

« Mais chacun son taf de sommeil ! La quantité nécessaire est propre à chacun, fixée par son ADN. Inutile de rentrer dans les intervalles de 7h30/8h qu’on peut lire parfois. La typologie (plutôt du matin ou du soir) est elle aussi génétique. Dans ces cas-là, on conseille d’écouter son corps et ses besoins, et de s’entraîner quand on sent que son corps est plus alerte. Si on n’a pas le choix de ses horaires d’entraînement, on peut faire jouer les heures de déjeuner pour modifier ces rythmes, comme font certains entraîneurs de foot. Mais il faut compter 15 jours pour se réguler. »

Le sommeil, un « somnicament » dopant autorisé

C’est même mieux qu’une boîte de Pandore, tant sur le physique que cognitif. Le sommeil a tellement d’influence sur notre organisme. Ce n’est pas un état de repos, c’est un état d’activité complémentaire à l’état d’éveil. La mémoire, par exemple, est mieux stockée dans la nuit. Le sommeil profond joue sur la mécanique de régénération cellulaire. C’est pourquoi le sommeil est aussi important pour la récupération des courbatures, liées aux microlésions des fibres musculaires, ou même des blessures, comme la cicatrisation d’une élongation, de courbatures liée à la toxine d’anaérobie. Le sommeil rince pour ainsi dire l’organisme, au niveau cérébral mais c’est vrai aussi au niveau musculaire. 10 pompes avec un bon sommeil valent mieux que 30 avec nuit blanche. »

Le témoignage de Françoise Rousseau, vice-présidente de France Insomnie

 « Si un bon sommeil est important pour réussir dans le sport, un mauvais sommeil, à l’inverse, est catastrophique pour l’organisme. Le manque de sommeil donne des douleurs physiques – mal aux épaules, au dos, à la tête… Bref, la répercussion sur l’état physique, mais aussi psychologique, est grande. Il entraîne de l’irritabilité, des difficultés de concentration, de mémoire… Insomniaque depuis mes 18 ans, mon médecin m’avait tout de suite demandé de faire plus d’exercice physique, moi qui étais une littéraire adepte de loisirs intellectuels sédentaires. J’ai été traitée par acuponcture pendant 20 ans, puis par hypnose ericksonienne ; j’ai également fait une psychothérapie. Puis,  avec le docteur Sylvie Royant-Parola (psychiatre spécialiste du sommeil, présidente du Réseau Morphée), j’ai expérimenté l’hygiène des rythmes, dont le sport fait partie. Il a été difficile d’adopter des habitudes presque militaires, avec des horaires de coucher, et surtout de lever, réguliers, et même de repas. J’ai dû compléter par des thérapies comportementales et cognitives (TCC).  Et aujourd’hui, je conserve l’habituelle séance de relaxation – après le déjeuner si c’est possible – qui peut se prolonger en une sieste d’1/4 d’heure. »